Jusque là réservés aux voyages business et surtout religieux avec les millions de pèlerinages à la Mecque par an, l’Arabie Saoudite a annoncé en octobre 2019 l’ouverture des  visas pour 49 nationalités, dont la France. Et pour lancer le tourisme, on peut dire qu’elle voit les choses en grand ! Alors, faut-il y voir un signe d’ouverture ou au contraire boycotter ce territoire ?

Le lancement du tourisme en quelques infos

> Il y a quelques mois, sur Instagram, des posts sponsorisés m’ont menée vers un compte vantant des paysages exceptionnels sans dévoiler le nom du pays concerné, à coup de « unexpected » destination… et avec un décompte avant que les infos concernant ce lieu si secret ne soient révélées. Procédé pour le moins original et inhabituel, mais plutôt bien trouvé pour ce royaume autoritaire et conservateur qui ne fait pas spécialement rêver voire qui en freineraient complètement certains… En voyant les photos du site Alula, je m’étais doutée qu’il s’agissait de l’Arabie Saoudite.

> Puis c’est l’Institut du Monde Arabe qui organise à l’automne 2019 (et prolongée jusqu’au 8 mars 2020) une exposition consacrée au fabuleux site archéologique nabatéen d’Alula, situé au nord-ouest du royaume. Ce site entre tombeaux, canyons et dunes à l’image de la majestueuse Pétra en Jordanie, l’Arabie Saoudite veut en faire son fer de lance, et a d’ailleurs fait appel aux savoir-faire et à l’expertise français pour le développer. Lire l’article du Figaro « Paris et Riyadh signent un accord pour la mise en valeur d’Al-Ula, le Pétra saoudien ».

> A Noël, on a vu sur Instagram quelques célébrités qui passaient leur fin d’année en Arabie Saoudite, comme les chefs Hélène Darroze et Michel Sarran.

 

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Je suis une maman comblée quand mes deux petites filles peuvent voyager avec moi quand je travaille. Ces deux dernières fois c’était à Val d’Isere et à Al Ula en Arabie saoudite… la prochaine fois sera à nouveau val d’Isere, puis San Francisco pour Paques à l’occasion d’un dîner que je cuisinerai à 4 mains avec mon amie @dominiquecrenn Dans les 3 prochains mois elles manqueront seulement Istanbul et Shanghai car elles seront à l’école à ces dates là… I am a so lucky mom when my two little ones can travel with me when I work… the last 2 times were in Val d’Isere and in Al Ula in Saoudia Arabia, next time will be again Val d’Isere again then New York end of February and finally San Francisco for Easter where I will cook a 4 hands diner @atelier.crenn with my great friend @dominiquecrenn in the next 3 months they will only miss Istanbul and Shanghai because of school…

Une publication partagée par Helene Darroze (@helenedarroze) le 4 Janv. 2020 à 2 :41 PST

> En ce mois de janvier 2020, c’est le…. Paris-Dakar qui a créé la surprise en installant son rallye en Arabie Saoudite, après 11 éditions en Amérique Latine. Les accords porteraient sur 5 éditions et promettent un terrain de jeu idéal. Lire l’article de France Info « Le Dakar en Arabie saoudite : cela a permis « d’accélérer l’ouverture du pays », affirment des organisateurs et des pilotes du rallye« . Et l’article-tribune de Télérama :

> Il y a quelques jours, Voyageurs du Monde partageait une photo sur Instagram et créait une incompréhension chez plusieurs de leurs voyageurs fidèles… Jean-François Rial (le PDG du groupe) répondait d’ailleurs lui-même aux commentaires en rappelant que Voyageurs avait toujours organisé des voyages dans le monde entier quelque soit les pouvoirs en place, et que le tourisme pouvait aider à l’ouverture du pays. Il semblerait que le post ait d’ailleurs été supprimé.

Alors, faut-il y aller ou boycotter ?

On estime à 50 voire 100 milliards d’euros l’investissement total pour ce développement du Royaume en tant que destination touristique. On parle d’infrastructures touristiques, un projet d’hôtel troglodyte par Jean Nouvel, de formations à l’hôtellerie et à la gastronomie pour les Saoudiens, et aussi par exemple de l’Opéra de Paris qui développe un projet à Djeddah.

Cette ouverture au tourisme, c’est l’un des pans de la grande politique de modernisation et de changement mise en place par MBS, le prince héritier Mohammed Ben Salmane. Le but est aussi de préparer l’époque « après-pétrole ».

Pour autant, ce nouveau visage de destination touristique et les images de désert / villages perchés / architecture futuriste / mer turquoise vont mettre du temps à équilibrer ou masquer le côté ultra-autoritaire et conservateur du pays, l’affaire récente du meurtre de Jamal Khashoggi, la guerre au Yémen, le respect des droits de l’homme, les conditions des femmes et l’exportation d’un islam politique… Les plus grosses agences de communication sont sur le pont et vont avoir du pain sur la planche.

Au final, ce sont bien les voyageurs eux-mêmes qui trancheront la question, certains trop heureux de pouvoir aller découvrir un nouveau territoire quasi-vierge, et d’autres préférant boycotter la destination…

Je ne pourrais pas vous dire à ce stade si j’irais ou non en voyage là-bas si j’en avais l’occasion. Pour moi le voyage a toujours été synonyme de curiosités, de découvertes, de rencontres et d’échanges, et je ne pense pas avoir jamais choisi de découvrir un pays en fonction du pouvoir en place. On a entendu pendant des années « si tu vas en Birmanie, c’est que tu soutiens la junte militaire » ou « Faut-il aller en Libye, en Iran ou en Syrie ? » dans le milieu du voyage. Et si au final, quelques soient les pouvoirs politiques en place, la présence de voyageurs étrangers, et les interactions entre voyageurs et populations locales étaient bien au dessus de ces questions et participaient à l’ouverture du pays en question et à l’accélération du changement ? Espérons qu’il en soit de même pour l’Arabie Saoudite…

Le temps dira si les voyagistes programment la destination, si le nombre de demandes de visa augmente ou non, si les hôtels et infrastructures se créent rapidement, si les voyageurs autres que religieux ou business y vont, et donc si le pari du royaume est réussi ou pas.

En tous cas, le sujet est à la fois gênant et passionnant, et on n’a pas fini d’en entendre parler je pense.